« On se demandera bien sûr si le monde où nous vivons
est vraiment si renversé qu’il faille toujours le remettre sur pied »
...Robert Musil ‘’l’homme sans qualités" Seuil T1 p 47...

A cette demande, nous répondons
« c’est que, ici maintenant, une fois de plus, il le faut bien ! »

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Compte rendu de l’audience du 25 mai concernant Maurizio Di marzio

samedi 25 juin 2022

Pour les comptes-rendus de l’audience du 25 mai concernant Maurizio Di Marzio et celle du 15 juin concernant Luigi Bergamin, nous avons choisi de reprendre les communiqués AFP, dont la bonne facture est à elle seule une information sur la puissance des arguments de la défense qui, au dire même de la présidente de la cour « a fait évoluer le débat »

Le Figaro, qui au moment du déclenchement de ‘’l’Opération Ombres Rouges/Ombre Rosse’’ avait sorti un article meurtrier a repris intégralement ce communiqué, sans commentaires… cela ressemble à un bon signe…

Nous avons toutefois ajouté deux notes latérales, une d’Oreste Scalzone ouvrant une perspective sur l’histoire passée des procédures d’extradition et de la logique rigoureuse de la défense. Une de Janie Lacoste sur la déclaration/geste fort d’Irène Terrel en conclusion de sa plaidoirie.

 

"Années de plomb" : la prescription en question dans la procédure d’extradition
d’un ex-responsable des Brigades rouges

Par Murielle KASPRZAK

Paris, 25 mai 2022 (AFP) - La question de la prescription s’est trouvée mercredi au coeur de l’audience, à la cour d’appel de Paris, sur la procédure d’extradition d’un ex-responsable des Brigades rouges, Maurizio di Marzio, que
l’Italie réclame comme neuf autres anciens militants d’extrême gauche pour des faits de terrorisme commis lors des "années de plomb".

Quand les policiers français se présentent au petit matin du 28 avril 2021 au domicile de Maurizio di Marzio, le restaurateur parisien est absent. 

Informé par la presse italienne qu’un coup de filet est imminent, il s’est enfui.
Si sa cavale tient deux semaines, il sera définitivement protégé : le délai de prescription de la peine à laquelle il a été condamné doit tomber quelques jours plus tard, le 10 mai 2021, croit-il. Dès le 13 mai, il demande à la justice
italienne de constater la prescription.

Mais le 9 juillet, la cour d’appel de Rome affirme que la peine n’est pas prescrite et l’ancien responsable des Brigades rouges est interpellé. Depuis, la prescription a été fixée au 23 septembre 2021.

"Nous voilà avec un changement de la date de prescription, c’est assez coutumier en Italie, j’ai l’impression. Quand la prescription semble acquise, la date change", raille son avocate, Me Irène Terrel.

Maurizio di Marzio, 61 ans aujourd’hui, est réclamé par l’Italie pour exécuter un reliquat de peine de cinq ans et neuf mois pour l’attaque armée d’un fourgon blindé le 30 juillet 1981, revendiquée par les Brigades rouges.

Arrêté en décembre 1982 en Italie, il avait été jugé par la cour d’assises en 1988 puis, après environ six ans de prison, avait comparu libre en appel en 1992. Sa condamnation à 14 ans de réclusion est d evenue définitive le 10 mai 1993 avec le rejet de son pourvoi en cassation.

La date du 10 mai 2021 comme fin du délai de prescription, Maurizio di Marzio ne l’a pas inventée. Cette date figure dans plusieurs documents judiciaires remis par les autorités italiennes à la cour d’appel de Paris, dont la demande d’extradition formulée en avril 2021, souligne l’avocate générale.

Dans le casier judiciaire comportant "un développement très détaillé des six condamnations" de M. di Marzio et transmis par l’Italie le 25 janvier 2022, il est indiqué à côté de l’attaque du fourgon blindé que "la peine est éteinte par écoulement du temps", précise la magistrate, qui requiert donc un nouveau complément d’information pour obtenir des éclaircissements.

- "Refus implicite" -

Maurizio di Marzio avait déjà fait l’objet d’une procédure d’extradition à son arrivée en France en 1994. La justice avait émis un avis favorable en janvier 1995, mais le gouvernement n’a jamais signé le décret mettant à exécution sa remise aux autorités italiennes.

Pour son avocate, "c’est un refus implicite" de la France de le remettre à l’Italie, "un droit acquis" qui ne peut être remis en cause. Aucun élément nouveau ne permet à l’Italie d’émettre un nouveau mandat d’arrêt 27 ans après, selon elle. "Sinon, c’est l’insécurité juridique totale", estime-t-elle, dénonçant "l’instrumentalisation politique, la manipulation politicienne du droit, du temps, des êtres humains".

"Je redis mon désaccord juridique sur l’interprétation du silence du gouvernement" français, rétorque Me William Julié, avocat de l’État italien. Lors d’audiences précédentes, il avait regretté le manque de coopération des autorités françaises dans les demandes d’extradition des anciens activistes italiens.

En France depuis presque trente ans, Maurizio di Marzio est aujourd’hui le père d’un adolescent de quinze ans. 

"Avec la descente de la police chez moi, l’angoisse s’est installée dans notre foyer et dans nos vies", raconte l’ancien brigadiste.

"Ne faites pas payer mon fils pour des choses qu’il n’a pas commises", demande cet homme aux cheveux tirant sur le gris, vêtus d’un polo bleu clair et de baskets blanches.

La décision sera rendue le 29 juin,

La prescription devrait être également abordée le 15 juin, lors de l’audience concernant la demande d’extradition de Luigi Bergamin, ancien membre du groupe des Prolétaires armés pour le communisme. Quand il s’est présenté à la justice avec son avocate le 29 avril 2021 après avoir échappé lui aussi au coup de filet, la prescription était logiquement acquise depuis le 8 avril.

La cour d’appel examine depuis le 23 mars les procédures d’extradition visant quatre anciens militants d’extrême gauche et six anciens membres des Brigades rouges, âgés aujourd’hui de 61 ans à 78 ans, condamnés en Italie pour des faits de terrorisme dans les années 1970-1980.

Note latérale d’Oreste Scalzone

Alors que Me Julié, avocat de l’État italien, prétend contester que le silence du gouvernement français soit un refus implicite d’extrader, désormais incontestable, Me Terrel lui fait face, arborant à bout de bras, dans le style jeune ‘’garde rouge’’ brandissant le petit livre de Mao, un opuscule qu’elle présente à l’ensemble des membres de la cour.

Il s’agit d’un exemplaire délavé et écorné – véritable vintage – du ‘’Que-sais-je ?’’ « L’Extradition », Son auteur : le magistrat Yves Chauvy. Première édition 1981.

Ce geste n’est pas gratuit, il en réactive un autre, identique et signifiant :

Célébrissime, le ‘’Procurateur Chauvy’’, terreur de tout extradable, était à l’époque le représentant d’un Parquet à l’esprit de ‘’Chambre introuvable’’, à propos duquel le lapsus parfois commis d’appeler la Chambre de l’instruction ‘’Chambre de l’extradition’’, aurait traduit la réalité.

Le 27 septembre 1988, lors de son réquisitoire contre Enrico Villimburgo* et Giovanni Alimonti*, il avait conclu en sommant les juges de donner un avis favorable à leur extradition car de toute façon, s’était-il avancé à affirmer, de nouvelles demandes d’extradition étaient sur le point d’arriver, cette fois sur un fait récent, l’assassinat le 16 avril 1988 du conseiller du gouvernement italien Roberto Ruffilli. En Italie, G.Alimonti était accusé sur la base d’une pléthore de reconnaissances par des ‘’témoins’’ à partir d’une photo d’identité diffusée sur tous les médias de masse .

À ce moment précis, leur défenseur Me Terrel avait bondit, montrant à la cour un document dont le Procureur n’avait de toute évidence pas encore eu connaissance : un non-lieu prononcé par le Procureur de Rimini titulaire de l’enquête, émis à conclusion d’une commission rogatoire qui avait interrogé Oreste Scalzone et une douzaine d’autres personnes pouvant confirmer l’alibi incontestable d’Alimonti : sa présence à Paris dans un lieu public où se tenait l’assemblée annuelle de l’Association « France terre d’Asile ».

Coup de théâtre : Chauvy, avec son masque-visage que nous rappelait Edward G. Robinson*, reste totalement désemparé, entre défait et pétrifié. Désarçonné. Dans une confusion de murmures assourdissants, interruption de séance...

À la reprise, la Chambre émettra un avis favorable à l’extradition de A.et V. en ce qui concerne les demandes antécédentes, et en même temps met Alimonti et Villimburgo en liberté provisoire Nous ne pouvons pas nous censurer le fait de voir dans le geste d’Irène Terrel un véritable ‘coup de maître’ !

Cet effet d’une forte intensité émotionnelle du fait d’en relever le caractère signifiant, s’est encore renforcé à l’audience de mercredi 15 juin concernant Luigi Bergamin : Irène Terrel a de nouveau brandi levé le Que-sais-je ?, pour enfoncer encore le clou sous l’éscorte des spécificités concernant Luigi Bergamin : et cela (sauf que par une autophagie dévorante de...tout le système, ne pourra que porter un’éstocade mortèlle à l’ensemble du dispositif « Ombre Rosse-Ombres Rouges »). Les réactions même pas rétenues plus que tant de l’avocat William Julié ‘embedded’ par l’Ètat italien sonnent confirmation...