« On se demandera bien sûr si le monde où nous vivons
est vraiment si renversé qu’il faille toujours le remettre sur pied »
...Robert Musil ‘’l’homme sans qualités" Seuil T1 p 47...

A cette demande, nous répondons
« c’est que, ici maintenant, une fois de plus, il le faut bien ! »

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Compte rendu de l’audience du 15 juin 2022 concernant Luigi Bergamin

samedi 25 juin 2022

Pour les comptes-rendus de l’audience du 25 mai concernant Maurizio Di Marzio et celle du 15 juin concernant Luigi Bergamin, nous avons choisi de reprendre les communiqués AFP, dont la bonne facture est à elle seule une information sur la puissance des arguments de la défense qui, au dire même de la présidente de la cour « a fait évoluer le débat »

Le Figaro, qui au moment du déclenchement de ‘’l’Opération Ombres Rouges/Ombre Rosse’’ avait sorti un article meurtrier a repris intégralement ce communiqué, sans commentaires… cela ressemble à un bon signe…

Nous avons toutefois ajouté deux notes latérales, une d’Oreste Scalzone ouvrant une perspective sur l’histoire passée des procédures d’extradition et de la logique rigoureuse de la défense. Une de Janie Lacoste sur la déclaration/geste fort d’Irène Terrel en conclusion de sa plaidoirie.

 

« Années de plomb » : la défense d’un ex-militant d’ultragauche dénonce « l’acharnement » de l’État italien

ROMAIN FONSEGRIVES - AFP

Publié 

L’État italien s’acharne-t-il sur l’un des dix anciens militants d’ultragauche dont il réclame l’extradition pour des faits de terrorisme commis lors des « années de plomb » ? La question a animé les débats mercredi devant la cour d’appel de Paris, qui examinait le cas de Luigi Bergamin. A 73 ans, cet Italien exilé en France depuis 1982 a assuré face aux juges vivre « une descente aux enfers » depuis son arrestation en 2021. Reconverti comme traducteur, il a fustigé un « processus judiciaire insensé » qui le « désigne comme un individu extrêmement dangereux dont il faut à tout prix effacer la prescription ».

Comme les neuf autres ex-activistes aujourd’hui réclamés par l’Italie, cet ancien membre des Prolétaires armés pour le communisme, accusé d’être impliqué dans l’organisation du meurtre d’un agent pénitentiaire, Antonio Santoro - tué par Cesare Battisti en 1978 -, se pensait protégé par l’engagement pris en 1985 par le président François Mitterrand de ne pas extrader les militants ayant rompu avec leur passé. Jusqu’à la série d’arrestations déclenchée par Paris le 28 avril 2021. Absent de son domicile ce jour-là, Luigi Bergamin se présente de lui-même le lendemain à la justice française, avec la ferme conviction d’être couvert par la prescription depuis une vingtaine de jours. Mais la date du 8 avril 2021, initialement fixée pour l’extinction des poursuites, vient d’être contestée par la justice italienne.

Quelques semaines plus tôt, un juge transalpin a retenu plus de 40 ans après les faits une nouvelle qualification contre l’ex-militant, celle de « délinquant d’habitude ». Une infraction supplémentaire, qui rend sa peine imprescriptible, ce qu’a confirmé la Cour de cassation italienne. « Je suis écœurée par cette procédure », a lancé son avocate Irène Terrel, dans une plaidoirie particulièrement offensive, en dénonçant une « manipulation honteuse » et une « fraude à la loi ». « Ce n’est plus de l’acharnement, c’est une persécution judiciaire », a-t-elle insisté.

« Déshonorant »

Luigi Bergamin a déjà fait l’objet de deux procédures d’extradition, à chaque fois refusées par la justice française en 1990 et 1991. L’Italie le réclame désormais pour l’exécution d’un reliquat d’une peine de prison de 16 ans et 11 mois. Dans leur nouvelle demande, « les autorités italiennes indiquaient que les faits allaient être prescrits le 8 avril », a rappelé l’avocat général, en réclamant un complément d’information pour que les juges français puissent avoir « copie des décisions » et comprendre ce qui rendrait désormais son cas imprescriptible. « Il n’y a pas de logique d’acharnement », a assuré de son côté l’avocat de l’Etat italien, William Julié.

« A la racine de ces dossiers, il y a des crimes (...) qui n’auraient pas dû permettre un asile », a-t-il rappelé, en regrettant le manque de coopération des autorités françaises dans les demandes d’extradition des anciens activistes italiens depuis 40 ans. « Comment cette qualification de délinquant d’habitude peut-elle s’appliquer à un homme qui a un casier judiciaire français vierge et un casier italien qui remonte aux années 70-80 ? », lui a répondu Me Terrel. Pièces en main, elle a retracé le raisonnement de la justice italienne, qui « considère que le fait de ne pas avoir de casier (en France) devient une preuve de son astuce, de son professionnalisme au crime », et démontrerait « une conduite remarquablement astucieuse » de la part de Luigi Bergamin pour « se dérober » à son extradition.

Une justification avancée alors que « pendant 30 ans, l’Italie n’a rien fait » pour relancer une nouvelle demande, s’est-elle indignée. L’avocate a également fustigé un jugement rendu en Italie sans que Luigi Bergamin soit convoqué et avec un « avocat commis d’office ». « Vous n’allez pas vous borner à entériner une telle énormité, ce serait absolument déshonorant pour votre mission de juge », a-t-elle lancé à la cour. « On leur a donné une chance pour changer, qu’on ne reprend pas 40 ans plus tard. » Avec son délibéré fixé au 29 juin, la cour d’appel rendra ses décisions pour chacun des dix anciens militants concernés.

Note de Janie Lacoste

Me Julié a commis un réquisitoire confus, sans même plus tenter d’argumentaire juridique, faisant de son ignorance des dossiers un appel à satisfaire le désir ‘’de bon sens’’ des personnes avec lesquelles il a parlé en Italie (difficilement parce qu’il ne parle pas bien italien, précise-t-il…), de voir des criminels punis. Peut-être pas tou(te)s, bon, mais un geste, quoi, pour faire plaisir à "nos amis italiens" !

Il double cet appel sordide au marchandage de vies, d’une dénonciation du caractère ‘’idéologique’’ de la défense.

Le développement de la plaidoirie de Me Terrel l’anéantit, non seulement sur le plan juridique, mais aussi sur le plan humain, avec un courage s’appuyant sur une limpidité morale la plaçant hors d’atteinte de ces misérables procédés

« Non ma défense n’est pas idéologique, elle est méticuleusement juridique », dit-elle, et elle le démontre et, très calmement, presque dans un murmure elle conclut : « cela fait 30 ans que je connais Luigi Bergamin, trente ans que j’assure sa défense, trente ans que je le connais et je suis fière d’être son amie »

Que les pleutres et les prudents osent dénoncer ce témoignage insoupçonnable contre l’absurdité de la qualification de ‘’délinquant habituel’’ imputée à Luigi Bergamin… dans la salle d’audience personne ne s’y est risqué !.