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PRISONNIERS DANS LE CAMP DE PALMI, PARTIE DE : ’"UNE NOUVELLE PHASE EST OUVERTE", PALMI, INVERNO 1979

vendredi 31 décembre 2021

[...] 2) Le Camp de Palmi. Un double ordre de motifs converge dans la décision de l’exécutif de donner naissance au premier camp de concentration pour prisonniers communistes. En premier lieu des raisons internes au système carcéral, à savoir le constat après la bataille du 2 octobre à l’Asinara, de l’échec complet de toute hypothèse qui était à la base du plan de normalisation lancé en juillet 1977 avec la création de prisons spéciales. En effet, un mouvement fort s’est consolidé dans le "circuit spécial" classe organisée politiquement et militairement sur le terrain du pouvoir ; un mouvement spécifique et organisé en Comités de Lutte qui s’inscrit pleinement dans la mentalité révolutionnaire de notre pays et contribue par ses luttes à enrichir sa force et son expérience.

Il y a aussi des raisons liées à l’affrontement général entre révolution et contre-révolution. En effet à Palmi il n’y a pas que des prisonniers expulsés du "circuit chamois"1, mais aussi des nouveaux prisonniers catapultés plus ou moins directement de l’extérieur et qui représentent, pour l’État, la direction politico-stratégique d’espaces sociaux violemment antagonistes. Dans le Campo de Palmi, en d’autres termes, se prédispose obliquement l’hypothèse Calogero-Gailucci : plusieurs figures mais une seule intrigue qui lie indissolublement les Brigades rouges, Prima Linea, Autonomia Operaia, etc. Et comme c’est une idée-force du régime de mobiliser les couches sociales autour de lui et de compacter les diverses pratiques de guerre contre « l’ennemi intérieur », peu importe qu’il soit « vrai », le fait qu’elle ait assumé, sur l’initiative des branches les plus diverses de l’État, le caractère de la force matérielle suffit.

Ce faisant, d’autre part, l’État est contraint d’admettre que depuis une dizaine d’années, dans les pôles métropolitains du pays, s’organise une force de classe révolutionnaire qui, tout en refusant toute forme de médiation politico-institutionnelle, se prépare à de plus mûres initiatives offensives ; il doit reconnaître la guérilla comme une force politique centrale et ne peut plus cacher ou déguiser l’existence des prisonniers de guerre communistes. L’élément principal à considérer pour comprendre les objectifs qui sous-tendent la mise en place du Camp de Palmi et la composition des prisonniers ; elle a été fabriquée par l’État selon un dosage soigneusement calibré des différents composants. Ce qui ressort clairement de la composition politique du camp, c’est l’absence d’une couche de classe captive.

Les différentes composantes peuvent se résumer comme suit : militants de l’OCC Brigate Rosse ; militants d’autres OCC ou, plus généralement, militants de lutte armée ; avant-garde politico-militaire du prolétariat prisonnier qu’ils ont caractérisé par leur rôle de gestion politique et organisationnelle ; appartenant à la zone "7 Avril".

Les besoins immédiats qui sous-tendent ce choix de concentration peuvent se résume comme suit :

a) développer la différenciation et retirer l’eau au poisson, selon le principe « que les poissons rouges nagent dans le même réservoir » ; b) porter la contradiction à son plus haut point, mettant communistes et État visage contre visage et ainsi établir un régime de prison de guerre qui, s’il est pour l’instant présenté dans sa version "soft", ne veut cependant pas masquer la véritable essence du Camp de concentration ; c) approfondir la connaissance du mouvement révolutionnaire. Palmi, pour les centres de renseignement", est un laboratoire très important, un microcosme politique pour lire les tendances et les contradictions qui parcours transversalement tout le mouvement révolutionnaire. Analyse des mouvements internes, du débat politique, de la correspondance ; ce sont les principaux motifs de leur action ; d) jouer les contradictions internes du Camp vers l’extérieur, amplifier les tensions idéologiques en les renversant dans un but de dévastation et de contre-guerilla psychologique dans le grand chaudron du mouvement.

Dans cette situation, les prisonniers communistes attirent l’attention du mouvement révolutionnaire sur deux points décisifs : le rapport de continuité et de rupture qui existe entre le Camp de Palmi et le reste du monde carcéral ; la dialectique entre dedans et dehors, entre microcosme et macrocosme qu’une telle composition reproduit inexorablement.

La relation entre continuité et rupture.

Le Camp de concentration de Palmi représente concrètement un bond en avant dans la politique pénitentiaire de l’État, un bond qui peut se résumer dans la séparation des prisonniers communistes, les "politiques", du prolétariat prisonnier. Avec Palmi, donc, le troisième anneau du circuit pénitentiaire est inauguré et se configure de la manière suivante : au premier niveau la masse du prolétaire prisonnier ; au second la partie la plus antagoniste et rebelle de cette couche de classe ; au troisième, les avant-gardes politiques et politico-militaires que l’État reconnaît implicitement comme des prisonniers de guerre.

Il ne fait aucun doute qu’en considérant Palmi dans le contexte politique et urbanistique du système carcéral, ce sont les éléments de rupture qui l’emportent sur ceux de continuité avec le passé et en particulier avec le projet et la signification politique des prisons d’exception inaugurées en 1977. Nous sommes toujours en prison, mais notre position, physiquement et politiquement "séparée" du mouvement réel des prisonniers prolétariens, force notre militantisme sur un terrain complètement nouveau, qualitativement différent.

La relation entre les différentes composantes du Camp devient immédiatement politique et se développe autour des termes généraux de l’affrontement révolutionnaire. Sur le terrain de l’organisation interne, il ne peut y avoir de continuité avec la pratique des Comités de Lutte, qui sont des organismes révolutionnaires de masse du mouvement prolétarien prisonnier.

Du côté du mouvement révolutionnaire, donc, la dialectique continuité-rupture vécue dans le Camp de Palmi se reflète et introvertit dans ses lignes de mobilisation et de combat, l’obligeant, d’une part, à s’attaquer au problème des prisonniers de guerre et, d’autre part, d’entretenir des relations solides avec le mouvement prolétarien des prisonniers sans le confondre avec le premier.

La dialectique entre intérieur et extérieur.

Le problème est nouveau, mais nous ne pouvons certainement pas sous-estimer les reflets externes au sein du mouvement révolutionnaire de l’affrontement politique qui se déroule « sous la surveillance étroite de l’ennemi » au sein du Camp. D’autre part, nous ne pouvons échapper à cette confrontation sans tomber dans le sectarisme le plus improductif et sans contribuer, dans une certaine mesure, à refroidir l’équilibre critique et autocritique que toutes les forces révolutionnaires après dix ans de luttes dans la perspective d’une unité plus forte et consciente de tout le mouvement révolutionnaire. [...]

3) Aujourd’hui avec nous, Fabrizio Pelli aurait dû être là.

Fabrizio a été le premier combattant communiste assassiné dans les camps de concentration de l’État, depuis la longue chaîne d’annihilation qui s’est déroulée depuis l’organisation de la famine à l’Asinara jusqu’aux responsabilités du personnel impérialiste face à l’aggravation de ses conditions. Si les faits, les lieux et les noms sont connus de tout le mouvement révolutionnaire, qu’avec sa pratique politico-militaire, rien ne restera impuni, en même temps ceci est l’unique patrimoine du prolétariat et de ses avant-gardes, la conscience et la pratique communiste pendant toute la vie de Fabrice, une pratique révolutionnaire à la hauteur de Mara, Walter, Barbara et Charlie.

Suivant : G.G. (AREA Colp), A LA SUITE D’UN TÉMOIGNAGE SUR LA PRISON DE VOGHERA