(...) Les cellules étaient individuelles, tout était au singulier. Pendant 23 heures, une était seule. Et néanmoins nous avions notre vie à la fenêtre. J’ai dû y prendre mon terrible et douloureux mal aux cervicales, car nous étions à la fenêtre jour et nuit. C’était le seul moyen de parler, au moins avec les voisines de fenêtre, ou, en s’égosillant de section en section. C’est le souvenir le plus clair : nous attachées aux fenêtres. Au contraire, pour nous parler en secret, il y avait "radio prison", nous parlions par les tuyaux du bidet ou des toilettes des cellules voisines. Puis, pour protester nous faisions le Tapage avec nos chaussures, car nous n’avions pas de casseroles. Le Tapage c’est un moment de lutte dans la prison, on tapait avec nos chaussures, et ils nous ont enlevé les chaussures, on tapait avec les balais et ils nous ont enlevé les balais, nous n’avions plus rien. Avec le balai, quand ils me l’ont laissé, j’ai pu ouvrir le judas, que seul le gardien ouvrait autrement, mais j’ai pu libérer le ressort puis le garder ouvert pour faire du courant d’air. Ils m’avaient menacée, mais peu à peu sur le judas ils ont commencé à abandonner car il faisait 40 degrés dans les cellules et certaines s’évanouissaient. Enfin nous avons obtenu de le garder ouvert, mais au dixième évanouissement.[...] L’un des "beaux" souvenirs de Voghera c’est que la majorité des femmes décida de se remettre en question, réalisant qu’il n’y avait plus rien à l’extérieur, changeant même la langue pour parler avec l’extérieur, éclipsant également les différences entre les diverses affiliations, qui au contraire existaient bien auparavant et persistaient dans des prisons comme celle de Messine. C’était une chose très belle et importante et il faut le reconnaître. Je pense que beaucoup d’entre nous devraient aller chercher ce qui était positif à ce moment-là juste pour pouvoir à nouveau se parler. En redécouvrant ce qui unissait ces femmes au-delà des différences idéologiques et politiques, un rôle fondamental a été joué par S.M. (des PACs) et une camarade de Walter Alasia (Br-Wa). Se débarrasser de ces cages idéologiques, de ces murs de mots vides qui nous empêchaient de communiquer entre nous, n’était pas facile, mais au final cela nous a permis de créer des relations authentiques entre nous. Dépasser certains langages purement idéologiques signifiait aussi redécouvrir une relation avec l’extérieur. [...]
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