Les avocats des dix anciens militants italiens réfugiés en France et revendiqués par l’Italie ont dénoncé aujourd’hui une « dérogation à l’état de droit » après la déclaration d’Emmanuel Macron et la décision du parquet de Paris de contester le rejet de ses demandes d’extradition.
“Dans ces cas, je n’ai jamais eu de recours. Nous sommes bien dans une diversion, un dysfonctionnement de l’Etat de droit sous la pression du pouvoir politique », a dénoncé Me Irène Terrel, qui défend sept anciens militants, lors d’une conférence de presse également organisée par la Ligue des droits de l’homme (LDH).Il y a une réelle volonté politique de remettre en cause la doctrine Mitterrand », a déclaré Me Antoine Comte, qui prend la défense d’un autre ancien militant, rappelant que les crimes de sang n’étaient pas exclus, contrairement à ce que disait Emmanuel Macron.
La cour d’appel de Paris a rejeté le 29 juin les demandes d’extradition de ces dix anciens militants d’extrême gauche italiens, accusés par Rome de « terrorisme” pendant le “années de plomb » (1970-1980) et aujourd’hui âgé de 61 à 78 ans. Mais le procureur général, Rémy Heitz, a saisi la Cour de cassation de ces décisions.
Réfugiés en France depuis trente ou quarante ans, ces deux femmes et huit hommes s’y sentaient protégés en vertu de la doctrine énoncée par l’ancien président François Mitterrand (1981-1995) : ils ne seraient pas livrés à l’Italie s’ils rompaient avec leur passé en tant que militants. Mais au printemps 2021, le chef de l’Etat a décidé de favoriser l’exécution des demandes d’extradition de ces six ex-Brigades rouges et quatre anciens membres de groupes armés renouvelées un an plus tôt par Rome.
Suite à la décision de la Cour d’appel, il a réaffirmé son souhait qu’ils soient “essayé sur le sol italien“. En réagissant à une décision de justice, Emmanuel Macron a violé”le principe fondamental de la séparation des pouvoirs“, a dénoncé Jean-Paul Chagnollaud, professeur de science politique.”Le président n’est pas tout-puissant, il doit respecter ce qu’il garantit », selon M. Chagnollaud, en l’occurrence l’indépendance de la justice.
Me Terrel a également rappelé que les dix anciens militants avaient déjà été jugés en Italie et qu’aucun procès équitable n’était, selon elle, possible quarante ans après les faits. Des textes des auteurs Annie Ernaux et Pierre Lemaitre, ou des historiennes Michèle Riot-Sarcey et Ludivine Bantigny ont été lus. “Le harcèlement des réfugiés italiens doit cesser », a estimé l’écrivain Eric Vuillard.
La compagne d’un des anciens militants a lu un message au nom de toutes les familles, dénonçant un “acharnement incompréhensible“et se souvenir d’eux”l’intention de se battre jusqu’au bout“.
Enregistrements audios des intervenants :
Éric Vuillard, écrivain : présentation
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Texte de Annie Ernaux, écrivaine, lu par Éric Vuillard
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Texte de Pierre Lemaître, écrivain, lu par Éric Vuillard
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Texte de Ludivine Bantigny, historienne, lu par Éric Vuillard
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Texte de Michèle Riot-Sarcey, historienne, lu par Irène Terrel
Jean-Paul Chagnollaud, professeur émérite des universités
Paul Bretécher, psychiatre
Éric Vuillard, écrivain
Une représentante des familles
Réponses aux questions